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Réseau FAR

11
Jan
2022

Sénégal / L’expertise paysanne au cœur des formations en agroécologie

[Retours d’expériences pratiques de formation des producteurs et productrices en activité] Eclosio développe depuis 2017 un dispositif d’apprentissage par les pairs, qui prend en compte plus fortement la dimension sociale dans un dispositif Champ Ecole Paysan (CEP). La finalité est d’arriver à positionner les producteurs relais comme interlocuteurs avertis et capables de négocier des changements à opérer dans leur territoire.
Cette expérience a été présentée lors du séminaire international « Investir dans la formation des producteurs & productrices : c’est construire l’avenir ! », Sénégal, 2021. Elle est l'une des 23 expériences de formation de producteurs et productrices en Afrique qui ont nourri le séminaire. Toutes les expériences

Dans quel contexte se développe l’expérience ?

L’initiative de formation des producteurs développée ici est en lien avec des éléments de contexte notamment :

  • Un service public agricole quasi inexistant, avec 1 agent technique par CADL (Centre d’Appui au Développement Local) et avec des moyens institutionnels très limités ;
  • Un service de conseil agricole assurée par l’ANCAR (Agence National de Conseil Agricole et Rural) mais avec une couverture encore faible (1-2 CAR/arrondissement) ;
  • La présence d’acteurs (OSC, ONG, OP…) aux actions quelques fois antagonistes sur les modèles de développement agricoles à promouvoir ;
  • Des produits intéressants de la Recherche qui peinent à arriver au niveau des producteurs ;
  • Une prise en charge du conseil par les organisations de producteurs.

Comment alors renforcer cette initiative surtout pour appuyer la TAE des Exploitations familiales (EF) ?

Quels sont les constats de départ ?

Dans les trois zones où l’expérience a été mise en œuvre, les producteurs sont confrontés à un problème d’accès aux services publics de formation et d’encadrement technique. Bien qu’une large place ait été accordée à la société civile et aux organisations professionnelles dans la gestion et l’animation du développement dans le secteur agricole, les offres en termes de formations et renforcement de capacités des producteurs demeurent limitées et très souvent peu adaptées aux contextes économiques et écologiques de plus en plus contraignants.

Quelle est la zone d’intervention de l’expérience ?

L’expérience est mise en œuvre au Sénégal dans 3 communes :

  • à Notto Diobass (Thiès) où les producteurs développent une agriculture commerciale avec un grand potentiel de marché ;
  • à Diossong (Bassin arachidier centre) marquée par un élevage extensif et une intensification du système mil et arachide grâce à la traction attelée ;
  • à Dialacoto (Tambacounda), zone pluvieuse marquée par une diversification agricole maïs-coton-arachide et par l’exploitation des produits forestiers non ligneux, où les producteurs ruraux n’ont souvent qu’une faible capacité de production et ne développent pas d’activités de valorisation de leur production, par manque de moyens mais surtout de savoir-faire et d’organisation.

Quels sont les objectifs visés ?

L’expérience a voulu changer l’approche de formation des producteurs et productrices et valoriser davantage les relations externes dans un dispositif Champ Ecole Paysan (CEP) afin de faciliter l’adoption des technologies. Il ne s’agit plus de transférer des packs technologiques complexes élaborés par la Recherche mais d’accompagner les producteurs dans leur prise de décisions afin de co-concevoir et d’opérer par eux-mêmes les changements techniques et organisationnels les plus adaptés à leur contexte tenant compte de leurs moyens d’existence.

La finalité est d’arriver à positionner les producteurs relais comme interlocuteurs avertis et capables de négocier des changements à opérer dans leur territoire. Ayant capitalisés des savoirs et technologies innovants qu’ils ont éprouvés, ils inspirent les pairs à travers des Recherches Action (RA) en CEP. Ils réalisent par eux-mêmes de manière systématique et participative des diagnostics, ils identifient le potentiel et les contraintes dans leur territoire, ils testent des solutions innovantes et les adoptent.

Pour les cibles, il s’agit particulièrement d‘exploitants familiaux et des jeunes et femmes microentrepreneurs agricoles. Le dispositif répond bien aux missions d’Eclosio qui suscite un engagement collectif des communautés (universitaire et civile) de co-construire et d’utiliser les savoirs dans une relation réciproque avec ses partenaires, à partir des besoins exprimés par les populations.

Quels sont les acteurs principaux et leurs rôles ?

Les acteurs principaux impliqués dans le projet Yessal sunu Mbay ou l’expérience est développée sont :

  • les producteurs et productrices parmi lesquels les relais. Ils sont les cibles du projet (exploitants familiaux) ;
  • les coopératives et organisations de producteurs à laquelle ils appartiennent. Ils sont les partenaires de mise en œuvre du projet, ils forment les groupes de pairs CEP ;
  • les élus locaux (maire, sous-préfet) et les services déconcentrés de l’État qui ont leurs représentants dans les comités techniques locales du projet dans ses différentes zones d’intervention. Il contribuent au suivi des activités du projet. Avec les producteurs, ils constituent le « Cercle d’innovation » et assurent le suivi et l’évaluation de la diffusion ;
  • l’équipe du projet d’Eclosio (Coordonnateur Programme, Chef de projet, Référent AE, technicien AE…). Elle pilote les activités au niveau opérationnel et stratégique.

Pouvez-vous décrire succinctement les principales activités menées ?

  1. Identification des relais à travers des actions de sensibilisation. Pour susciter une forte dynamique communautaire autour des actions de promotion de l’AE, les relais sont choisis localement pour porter la diffusion des innovations agroécologiques, sur la base de leur engagement et leurs capacités à faciliter le fonctionnement du groupe.
  2. Renforcement de capacités des relais. Ils bénéficient de formation sur des thèmes transversaux (assolement, fertilisation et protection naturelle…) en lien avec les contraintes techniques de production dans leurs zones.
  3. Activités de Recherche Action (RA). A l’opposé des approches top-down, la stratégie de diffusion de l’agroécologie promue dans le projet s’appuie sur une démarche de RA paysannes qui part des problématiques locales. Les relais participent à des activités de diagnostic participatif, identifient certaines contraintes techniques de production et des solutions adaptées qui seront testées dans les CEP.
  4. Animation des CEP. La formation est le pivot de la stratégie de promotion de l’AE et revêt essentiellement une dimension pratique qui se déroule à travers des expérimentations participatives au niveau des CEP ; cadres d’apprentissage réunissant 15 à 20 producteurs qui ont l’opportunité d’apprendre à résoudre les problèmes relatifs à la gestion de leur milieu et leurs exploitations, suivant un programme pré-établi.
  5. Mise en place de parcelles de démonstration pour appuyer les relais dans la diffusion des technologies éprouvées.

Comment ont été identifiés les besoins en formation ?

Les diagnostics participatifs sont restitués avec toutes les parties prenantes afin de permettre l’élaboration d’une feuille de route tenant compte du potentiel, contraintes, solutions, risques… en lien avec la production. Cette feuille de route prend en charge la demande des producteurs et productrices en termes de formation qui est alors co-construite avec eux à partir d’une priorisation des thèmes de formation selon les contraintes relevés (ravageurs, gestion de l’eau, etc.).

Cette stratégie de co-constuction doit se baser sur une dimension plus holistique pour mieux prendre charge certaines évolutions et risques. Dans le cadre du co-apprentissage dans les CEP, cela nécessite souvent une réorientation des actions en cours et la prise en charge de mesures correctives. Afin d’appuyer la dynamique au niveau des CEP, le projet a initié des espaces d’échange appelés « cercles d’innovation » pour servir de cadre local de réflexion mobilisant à la fois les relais et autres acteurs locaux engagés dans la promotion des agricultures alternatives (élus, ONG, services techniques décentralisés en charge des questions agricoles…). Les CI suivent l’avancement de l’action, facilitent les concertations sur les thématiques abordées au niveau des CEP, garantissent la cohérence territoriale de l’action et orientent les perspectives envisagées par le CEP.

Comment est financée cette expérience ?

La demande de formation co-construite tient bien compte des moyens et des objectifs des producteurs et productrices. Le projet investit dans un cadre de formation représenté par les CEP pour le co-apprentissage.

Un des producteurs du groupe met à disposition une parcelle dans son champ pour abriter le CEP. Le projet appui financièrement l’aménagement du CEP : sécurisation, point d’eau… et l’équipement (petit matériel, intrants). Le projet et le groupe contribuent à l’animation et au conseil (technicien en AE, relais) et à la capitalisation et diffusion (mise en place de champ de démonstration).

Les diagnostic in situ, agraire, l’aménagement et l’animation de CEP nécessitent parfois un minimum de budget que le groupe devra mobiliser afin que ce dispositif puisse se pérenniser. Les synergies d’actions entre projets et acteurs développées dans les zones d’intervention financent généralement les sessions de formation et de renforcement capacités des producteurs.

Comment est prise en compte l’agroécologie dans les activités ?

L’agroécologie est placée au cœur du dispositif de formation des producteurs. Les thèmes abordés sont majoritairement inscrits dans la thématique TAE et les méthodologies choisies sont basées sur une démarche participative avec une implication à la base des producteurs depuis le diagnostic.

Les formations sont généralement décloisonnées, se déroulent en milieu paysan (dans un champ, ferme…), utilisant du matériel/matériaux locaux, animés par des échanges et discussions dans une dynamique de partage d’expériences et de co-construction sous la supervision d’un facilitateur-trice.

A chaque étape du déroulement de la formation, les points abordés sont synthétisés et validées par le groupe de participants pour une mise en application. Les séances théoriques sont toujours suivies d’activités pratiques sur le terrain, qui sont réalisées puis suivies et évaluées après la formation afin de renseigner le groupe sur les résultats de leurs travaux pratiques. Ceci favorise très souvent des prises de décisions, surtout sur le choix et l’adoption de certaines techniques pratiquées (paillage, haie vive, compost, choix de spéculations d’association…)

Quels sont les principaux conseils que vous donneriez pour mener une expérience telle que celle décrite ?

Pour mener cette expérience, il faudra mettre l’accent sur certains points:

  1. Choisir des producteurs relais engagées et dynamiques
  2. Renforcer les capacités techniques des relais sur des processus de diagnostics in situ, agraire et sur l’entretien sociologique d’un tel dispositif
  3. Mettre en place un système de suivi et d’évaluation de performances du dispositif de formation paysans relais (application/adoption des pratiques, suivi de la diffusion des innovations AE…)
  4. Penser à un système de motivation des relais pour une pérennisation de leur action (diffusion des technologies, appui conseil aux producteurs…) à la fin du projet
  5. Éviter de sédentariser l’approche CEP, en suscitant d’autres réseaux de dialogue pour favoriser l’essaimage des technologies retenues.

Fatou DIOU
ONG Eclosio

fatou.diouf@eclosio.ong

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