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Réseau FAR

05
Juil
2022

[Paroles d’expert] Un diagnostic pour rénover le dispositif FAR en Guinée Bissau

Elhadji Abdou GUEYE  est l’un des deux experts mobilisés par le Réseau FAR pour réaliser un diagnostic du dispositif de la FAR en Guinée-Bissau. Il revient pour nous sur les défis que doit relever la FAR en Guinée Bissau – un pays, où à la différence des autres pays de la sous-région, tout est à bâtir – et les principales recommandations de l’étude pour lancer la machine d’une véritable fondation de la FAR. Cette mission a été réalisée de févier à mars 2022 à la demande du Ministère de l’agriculture et du développement rural (MADR) et de l’AFD.
Elhadji Abdou GUEYE
Ingénieur agronome

Ingénieur agronome, diplômé de l’ESAT (CNEARC Montpellier) et de l’ENESAD de Dijon, titulaire d’un DESS en ingénierie de la formation et des systèmes d’emplois du CESAG de Dakar et d’un master professionnel en Politiques économiques de l’Université Cheikh Anta DIOP (UCAD) de Dakar. Elhadji Abdou GUEYE a créé au début des années 2000 le Bureau de la Formation professionnelle Agricole du ministère de l’Agriculture au Sénégal, il a été membre fondateur du Réseau FAR et du réseau national FARSEN, il a été expert au sein du HUB Rural pour la refondation des dispositifs de FAR en Afrique de l’Ouest.  Depuis quinze ans, il a travaillé pour la banque mondiale, la banque africaine de développement et l’USAID sur le développement agricole et rural.

Qu’est-ce qui vous a marqué pendant cette mission?

La réalisation de cette mission nous a d’avantage permis d’explorer en profondeur l’état d’indigence dans lequel se trouve le secteur agricole et rural de la Guinée-Bissau en général et le sous-secteur de la FAR en particulier. Entre autres, parmi les points saillants nous pouvons noter :

  • La faible qualité de l’offre de formation et son isolement : la contribution financière de l’État est quasi inexistante et celle des bailleurs de fonds se limite à des activités de renforcement de capacités dans les projets qu’ils financent. Il n’y a aucun centre public de formation des producteurs et des techniciens. A ce niveau les formations offertes sont du fait des organisations caritatives et des ONG. La seule offre publique se retrouve au niveau de l’université. Cela se traduit par une offre sans articulation, aux contenus disparates et un faible capacité d’accueil par rapport à la demande potentielle.
  • Les problèmes de structuration du sous-secteur de la FAR : la non prise en charge de la FAR dans les politiques publiques se traduit par l’inexistence d’instance de coordination, d’harmonisation des acteurs et l’irrégularité des activités de certification ou d’équivalence. Le secteur reste marqué aussi par une diversité de niveaux de qualité, durées de formation et niveaux de spécialisation. La FAR est en effet caractérisée par une implication d’un nombre d’acteurs diversifiés, en particulier du secteur associatif et privé majoritairement appuyés par la coopération internationale, qui octroie en grande partie une offre de formation généralement de courte durée et sans une vraie articulation avec le système de l’ETFP et avec les besoins du secteur. Cela constitue un obstacle au développement d´un sous-secteur de la FAR durablement efficace et centré sur la demande de la profession. Le MADR n’a aucune prise sur les activités de formation menées par les ONG et les OP. Il n’y a pas à ce jour une politique de FAR. La disponibilité de formateurs en nombre et en qualité reste insuffisante.
  • Une inadéquation entre la formation dispensée et les besoins du secteur : les activités de FAR se caractérisent par des sessions de courte durée qui ne débouchent pas sur une certification permettant une employabilité des sortants des structures de formation. Les formations du secteur agricole et rural qui a un potentiel d’emplois de près de 70% ne représentent qu’un faible pourcentage des inscrits de l’ETFP (estimation de 6%). En l’absence de régulation et de coordination concernant des curricula/référentiels de formation standardisés, qui devraient servir de référence et de base pour le développement des filières d´un même profil de sortie/niveau de qualification, chaque établissement développe son propre programme et ses standards de compétence, au détriment des demandes du marché de l’emploi.

 

 

 

 

 

Quelle était la finalité de l’étude ?

Entre février et mars 2022, une paire d’experts spécialisés a été mobilisée par le Réseau International Formation Agricole et Rurale (FAR) pour « réaliser un état des lieux de la demande et de l’offre de formation existante et potentielle portées par les acteurs publics, privés, des ONG et organisations des producteurs mais aussi de porter une attention particulière à la question des compétences des ressources humaines du MADR ».

Quelles conclusions tirez-vous de cette étude ?

La conclusion principale que nous tirons de cette étude est que la Guinée Bissau est un pays où tout est à bâtir, à la différence des autres pays de la sous-région ayant bénéficié d’appuis des décennies dans le développement agricole (Sociétés de Développement, centres de formations publics).

Pour lancer la machine d’une véritable fondation de la FAR, les activités ci-après sont proposées :

  • Institutionnalisation de la concertation, coordination et pilotage de la FAR

Il sera nécessaire de constituer un réseau de référents ou d’acteurs, venant des différentes parties prenantes afin de créer un effet de levier et une meilleure maîtrise du sous-secteur de la FAR.  La bonne compréhension des politiques publiques par les acteurs privés et associatifs est donc essentielle pour garantir leur réussite. Il est donc proposé dans un premier temps de mettre en place un groupe de travail, associant le MADR, le ministère de la Pêche et le ministère de l’Éducation Nationale, avec la participation de tous les acteurs et un partage clair des rôles et responsabilités de chacune des parties prenantes pour donner plus de cohérence aux activités conduites aujourd’hui.

  • Élaboration d’orientations stratégiques de FAR en cohérence avec les besoins qualitatifs et quantitatifs du secteur agricole

Le MADR devra initier l’élaboration d’orientations stratégiques de la FAR argumentées et négociées impliquant l’ensemble des parties prenantes, justifiant les domaines dans lesquels l’intervention publique est collectivement souhaitable et les modalités de cette intervention avec la définition d´un système d´accompagnement et d’indicateurs-clés.

Un capital humain bien développé pourrait, devrait, permettre au secteur agricole de jouer un rôle catalyseur pour le développement durable du pays. Pour y arriver il est proposé :

    • D’élaborer un catalogue national des métiers et compétences avec une attention particulière aux différents métiers de et autour de l’agriculture, en prenant bien en compte que la majorité de ces métiers sont dans le domaine de l’auto-emploi (producteurs agricoles, vendeurs d’intrants, transformateurs, conseillers, artisanat) ;
    • Un appui à l’élaboration de programmes de formations en concertation avec les acteurs des différents maillons des filières ;
    • Un appui à l’INAFOR pour établir les critères de certification des formations ;
    • De redéfinir les filières de formation existantes et créer le lien entre les compétences développées et la profession, avec des cycles de formations adaptées aux compétences attendues ;
    • De repenser les curricula/programmes de formation. L´élaboration de curricula ou référentiels de formation standardisés, par compétences, qui devraient servir de référence et de base pour le développement des filières d´un même profil de sortie/niveau de qualification, est désormais une nécessité.
  • Amélioration des dispositifs de formations existantes

L’offre de formation est actuellement déficiente en qualité à tous les niveaux et en quantité pour les formations de bases. Certaines actions peuvent être entreprises à relativement court terme pour améliorer la qualité des formations existantes mais, pour le long terme, une volonté politique forte sera nécessaire afin de conduire une réforme globale et profonde de la FAR, notamment pour les formations de base (formation continue des agricultrices et agriculteurs et formation initiale des jeunes déscolarisés ou ayant juste conclu la 6ème classe). A cet effet nous proposons :

A court terme :

    • Améliorer la qualité des formations diplômantes existantes au niveau technique (technicien moyen niveau Bac) et supérieur (licence en agronomie)
    • Augmenter la quantité et améliorer la qualité des formations basiques en agriculture :

A moyen et long terme :

    • Réfléchir à la mise en place de formations de techniciens supérieurs, type BAC +2.
    • Mettre en place des formations sur l’aval des filières et notamment la transformation des produits comme la noix de cajou
    • Repenser totalement les modalités de la formation technique de base et notamment de la formation agricole des futurs exploitants.

La prise en compte des femmes dans les dispositifs

Les femmes représentent 56% de la population et sont une force active majoritaire dans le maraichage, la transformation et la commercialisation. Dans toutes les autres filières agricoles, elles s’occupent de l’entretien des cultures et participent à la récolte. Dans l’élevage, elles sont souvent propriétaires des espèces à cycle court (ovins, caprins, porcs et volailles). Une attention toute particulière devra leur être accordée dans les dispositifs futurs pour que leurs spécificités soient clairement reflétées dans les contenus des formations mais aussi les modalités de formation et la composition des publics.

Renforcement du ministère de l’Agriculture et du Développement Rural (MADR)

Les missions du MADR ont été définies par le Gouvernement dans le texte répartissant les attributions et compétences des différents départements ministériels. Elles consistent à concevoir, exécuter, suivre et évaluer les politiques du Gouvernement en matière de développement du secteur agricole et rural. Les activités qui en découlent sont nombreuses, complexes, avec des enjeux économiques majeurs pour la Guinée-Bissau.

La formation est un des leviers pour accompagner le changement, notamment en termes de performance. Au préalable, le développement des performances des Directions suppose de pourvoir les postes vacants. Les axes de performance identifiés par les différents acteurs portent sur le cœur des missions fixées pour ces Directions. Le faible niveau des salaires (Cadre Supérieur – 79 780 FCFA ou 120 euros, Cadre moyen – 64 967 FCFA ou 100 euros, Technicien de base – 45 433 FCFA ou 75 euros) est l’un des facteurs explicatifs de l’érosion du personnel. Il faudra ainsi en plus de la formation réfléchir à une véritable politique de fidélisation des postes.

Globalement, les effectifs sont insuffisants avec un personnel vieillissant pour assurer les missions et la pluralité des tâches à accomplir est compensée par une forte entraide entre les différents postes, quelles que soient leurs prérogatives.

Pour fonder le Plan de formation sur un état des lieux plus complet, avec des fiches de postes permettant de concevoir des référentiels de compétences et de formation, une étude RH actualisée, à caractère formatif et participatif sera nécessaire.

Elhadji Abdou GUEYE
eagfissel@yahoo.fr

Diagnostic de la formation agricole et rurale en Guinée

L'étude fait un état des lieux de la demande et de l’offre de formation existante et potentielle portées par les acteurs publics, privés, des ONG et organisations des producteurs, avec une attention particulière à la question des compétences des ressources humaines du MADR.
Lire l'étude

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