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Réseau FAR

07
Avr
2021

[Paroles d’experts] Un diagnostic de la Formation Agricole et Rurale pour accompagner la transition agricole au Costa Rica

Deux experts de l’Iram sélectionnés par le réseau FAR, François Doligez et Claire-Isabelle Rousseau, se sont rendus au Costa Rica en février 2021, à la demande du Ministère de l’éducation publique et de l’AFD, pour réaliser un diagnostic du système d’enseignement technique agricole, rural et environnemental (FAR-E) au Costa Rica. Ils reviennent pour nous sur cette mission en dressant un premier bilan de cette étude. Ils partagent également des expérimentations prévues dans des lycées agricoles en matière de systèmes de production “bas carbone” innovants. Autant d’éléments pouvant inspirer les pays membres du réseau FAR.
François Doligez
Ingénieur agronome

Ingénieur agronome et habilité à diriger des recherches en sciences économiques, François Doligez est chargé de programmes à l’Iram depuis 1992, après une expérience en Amérique centrale. Il a été en charge du secrétariat général de l’Iram et a coordonné jusqu’en 2017 son équipe « Acteurs, politiques publiques et évaluation ». Il est également enseignant-chercheur au Master DynPED de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et associé à l’Unité de recherche PRODIG. Il coordonne des études pour différentes contreparties nationales ou internationales, en lien avec des financements internationaux (AFD, Union européenne, BAD, réseaux ou organismes de solidarité dans le diagnostic, le suivi et l’évaluation de projet de développement agricole et rural, en particulier dans l’accompagnement des politiques publiques et du financement.

Claire-Isabelle Rousseau
Ingénieur agronome

Ingénieure agronome et titulaire d’un Master en sciences sociales appliquées à l’Amérique latine, Claire-Isabelle Rousseau est chargée de programmes à l’Iram depuis 2020, dans l’équipe « Acteurs, systèmes d’activités et filières ». Claire-Isabelle a six années d’expériences professionnelle dans la gestion de projets de développement agricole et rural et dans les politiques publiques, dont trois années auprès de l’AFD en tant que chargée de programmes, notamment à Madagascar, et deux années auprès des Chambres d’agriculture françaises.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant cette mission de terrain ?

Nous avons été marqués par les avancées du Costa Rica en matière de formation technique : le Costa Rica a établi depuis les années 1950 un dispositif de formation technique complet et reconnu, allant d’un enseignement technique au niveau du secondaire – par le biais des Collèges techniques professionnels (CTP) – jusqu’à des formations pour adultes (diplômés ou non) dispensées par l’Institut national de l’apprentissage. Ce dispositif est financé par une taxe prélevée à l’échelle nationale sur la masse salariale des secteurs publics et privés. Par conséquent, l’éducation technique dispose d’un financement en propre, stabilisé (voire même plutôt en hausse), qui permet de proposer des formations gratuites et diversifiées, avec une très bonne couverture géographique sur le territoire. Ces formations, ainsi que les formations complémentaires dispensées par les instituts techniques professionnels, le secteur privé ou les Universités, sont en passe d’être répertoriées dans un registre unique au niveau national, par niveau et par compétence.

Selon vous, quels sont les principaux enjeux et défis de la FAR au Costa Rica ?

En lien avec le changement climatique, nous avons pris conscience de la « révolution copernicienne » qu’impose la transition agricole au niveau de la formation, technique comme supérieure. Les principaux défis nous semblent particulièrement importants à trois niveaux. Le premier niveau est celui de l’intégration des enjeux de décarbonation du pays dans les formations techniques. En effet, le Costa Rica a adopté en 2019 un « Plan national de décarbonation », dans lequel le secteur agricole est amené à jouer un rôle majeur. Il s’agira pour cela d’articuler les différentes échelles d’intervention, travailler sur l’approche systémique de l’exploitation dans les cursus et envisager la manière de structurer une dynamique apprenante pour les enseignants et l’ensemble des acteurs impliqués. Le second correspond à la prise en compte des enjeux spécifiques à l’intégration des femmes dans les métiers de l’agriculture, de l’économie rurale et du développement. Si les inscriptions des femmes dans les spécialités agro-environnementales des CTP s’améliorent, elles restent minoritaires et il existe une réelle « brèche » dans leur insertion professionnelle. La poursuite des efforts de concertation entre les acteurs au niveau central et au niveau local pour que le système évolue de manière cohérente et partagée, dans une optique de développement territorial et ce, alors que l’offre de formation s’organise par la mise en concurrence des différents acteurs.

Quelle comparaison faites-vous avec les dispositifs FAR des pays membres du réseau, qui sont pour la plupart africains ?

L’on peut souligner que – à l’instar des pays membres du réseau FAR – l’offre de formations techniques est foisonnante au Costa Rica, mais elle a progressivement été structurée par le conseil national de l’éducation. L’offre publique gratuite et de qualité en constitue la colonne vertébrale, avec un maillage de l’ensemble du territoire, un accès aux familles les plus vulnérables facilité par différents systèmes de bourses et une offre diversifiée.

L’existence d’un référentiel national des formations doit renforcer cette coordination de l’offre de formation au niveau national, avec un pilotage interministériel impliquant les ministères de l’éducation et du travail. A l’inverse, certains acteurs semblent présents de manière moins prépondérante dans la formation agricole que dans certains pays membres du réseau FAR, notamment les ONG. Mais l’enjeu est aussi de se rapprocher des acteurs professionnels et d’assurer une meilleure coordination entre les ministères. En cela, le Costa Rica pourrait bénéficier d’expériences réussies de pays membres du réseau FAR ayant engagé un processus de définition d’une stratégie nationale SN-FAR. Les outils sur lesquels échange le réseau FAR pourraient également abonder utilement les réflexions des acteurs costariciens, par exemple les projets d’établissement qui permettent d’adapter les orientations au niveau des CTP en fonction d’un diagnostic de territoire.

Avez-vous repéré des expériences remarquables qui pourraient inspirer les pays du réseau ?

Dans l’existant, l’organisation et la qualité du travail entrepris par la Direction nationale du Ministère de l’éducation publique (DETCE-CTP) en charge des lycées agricoles (CTP) nous est apparue remarquable. Il y a des innovations que l’on souhaiterait approfondir, comme les incubateurs régionaux qu’elle a mis en place.

Selon vous, quel intérêt peut tirer le réseau FAR à s’ouvrir à des pays a priori aussi éloignés (géographie, langue, culture…) ?

De notre point de vue, le plus intéressant pour le réseau FAR est à venir. A l’issue du diagnostic engagé, le ministère de l’Éducation devrait mettre en place des CTP pilotes intégrant des pratiques systémiques « bas carbone » dans leur ferme pédagogique (articulation agriculture-élevage, haies vives, autoproduction de fourrages de saison sèche, production de biofertilisants, biogaz, etc.). Ces pilotes doivent alimenter, à partir d’une analyse systémique de l’exploitation, les activités pédagogiques en lien avec la transition agro-écologique. Ces pilotes seront particulièrement intéressants à suivre et à capitaliser pour tous ceux qui s’intéressent à l’évolution des contenus et pratiques pédagogiques dans le domaine agricole en lien avec l’adaptation au changement climatique.

Diagnostic du dispositif national de formation agricole, rurale et environnementale (FAR-E) au Costa Rica

Cette note de synthèse, en français, récapitule les principales informations et éléments de diagnostic sur le dispositif national de formation agricole, rurale et environnementale (FAR-E) au Costa Rica.
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